Le prix de vente des poissons d’aquariums, comment ça marche ?

Les aquariophiles s’interrogent souvent sur les raisons qui président à l’établissement du prix des poissons ou invertébrés exotiques qu’ils achètent.

Comme n’importe quelle marchandise, le prix est déterminé par la loi de l’offre et de la demande. C’est un principe économique fondamental.

Mais comment cela fonctionne-t-il à l’échelle du marché de l’aquariophilie ?

Quels sont les facteurs qui influence les prix des poissons et invertébrés ?

Pourquoi certaines espèces, d’origine ou de familles différentes, sauvages ou bien d’élevage, sont plus chères que d’autres ? Sont-elles rares dans la nature ? Sont-elles difficiles à transporter ? Sont-elles plus difficiles à élever ou moins prolifiques que d’autres ?

Les aquariophiles trouvent en général dans les animaleries des poissons courants, connus et élevés depuis de nombreuses années en aquarium : prenons par exemple le Platy (Xiphophorus maculatus).

Cette espèce fut ramenée en Europe par des marins allemands au début du 20e siècles : ces premiers exemplaires, qui ont été maintenus et reproduits ensuite par des grossistes allemands tels que Aquarium Hambourg ou Siggelkow, devaient valoir une petite fortune à l’époque.

Cependant, son élevage fut maîtrisé rapidement, et au cours des 50 années qui ont suivi sa première importation, des éleveurs du monde entier sont parvenus à constituer suffisamment de stocks pour couvrir les besoins des magasins.

Le Platy est très commun et largement diffusé à travers les magasins aquariophiles.

Durant cette période, des amateurs éclairés et expérimentés ont réalisé des hybridations avec son cousin proche, Xiphophorus variatus : de ces croisements sont nés de nombreuses variétés de couleur. Comme pour le Porte-Epée (Xiphophorus helleri), les souches rouges et noires, rares à l’époque, se sont démocratisées.

Le prix des variantes de couleur les plus faciles à obtenir a donc baissé progressivement. Aujourd’hui, l’offre en Platies d’élevage est plus élevée que la demande et les prix continuent de baisser. Il en va de même pour les autres ovovivipares.

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Évolution du prix des Platy

Ces amateurs passionnés élèvent depuis peu ces souches, et donc les poissons issus des premières reproductions de couples sauvages atteignent encore logiquement des prix élevés, car elles nécessitent pour les éleveurs un effort important pour une quantité reproduite très faible : sachant qu’il y a de nombreux passionnés qui souhaitent obtenir ces nouvelles souches, les grossistes spécialisés en espèces rares ne négocient pas et offrent un bon prix à l’éleveur : la demande dépasse l’offre et les prix restent élevés.

Pour toutes les petites espèces communes vivant en grands bancs, la logique est la même : prenons l’exemple du Néon Bleu (Paracheirodon innesi) : il fut découvert en 1934. Les premiers exemplaires furent importés en Allemagne en 1936. Quelques-uns furent expédiés ensuite aux Etats-unis dans des paniers en osier spéciaux à bord du dirigeable « Hindenburg » pour un prix unitaire de plusieurs milliers de dollars américains le poisson !

Incroyable d'imaginer l'engouement pour cette nouvelle espèce qui dans les années 30 a voyagé en dirigeable vers les États-Unis.
Dirigeable Hindenburg image publique
NATIONAL ARCHIVES CATALOG : German airship "Hindenburg" at Lakehurst, New Jersey.

Il fallut quelques dizaines d’années pour que la reproduction du Néon Bleu soit maîtrisée : à partir des années 60, le néon fut élevé en masse en Europe, aux Etats-unis et en Asie pour couvrir tous les besoins des aquariophiles. Aujourd’hui, un Néon Bleu importé du Pérou vaut plus cher qu’un individu élevé à Hong Kong.

Paracheirodon axelrodi

La situation est inverse pour le Néon Rouge : découvert en 1955, son élevage en masse est plus problématique. Il est plus sensible que le Néon Bleu, moins prolifique et les paramètres de l’eau pour le reproduire plus délicates à obtenir.

Les premières souches d’élevage ont été obtenues en Europe de l’Est dans les années 80 (Ex Tchécoslovaquie, Ex Allemagne de l’Est). Puis, dans les années 2000, l’espèce fut reproduite également en Asie (Vietnam en particulier). Mais les quantités reproduites restent faibles et ne couvrent pas la demande. Le prix du Néon Rouge d’élevage reste donc plus élevé que le prix du Néon Rouge importé de Colombie ou du Brésil, malgré les coûts de fret aériens.

La notion de rareté d’un poisson ou d’un invertébré est relative :

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L’espèce est vraiment rare et difficile à trouver dans la nature : c’est le cas de certains poissons marins vendus à des prix exorbitants : par exemple, Centropyge boylei vit à des profondeurs comprises entre 50 et 120 mètres et, même s’il vit en grand groupe, il reste délicat à pêcher et à remonter.

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L’espèce est très localisée mais abondante sur son lieu de capture : s’il n’y a pas de communautés de pêcheurs dans un périmètre proche de sa localité, alors sa capture est occasionnelle et son prix sera élevé.

En effet, à la demande des exportateurs, la communauté de pêcheurs la plus proche de sa localité devra organiser une expédition et du matériel spécifique pour réaliser sa capture et le ramener dans leurs installations de stabulation. 

L’exemple type est le cichlidé à damiers Dicrossus maculata, importé à Hambourg pour la première fois en 1950 : pendant quarante ans, cette espèce n’avait plus été exportée. Il aura fallu attendre la fin des années 90 pour la retrouver chez les grossistes européens.

Malgré le doigté que nécessite sa reproduction, l’espèce est désormais disponible en élevage assez régulièrement depuis 10 ans.

Dicrossus maculata est réapparu sur le marché aquariophile dans les années 90.

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L’espèce atteint une grande taille adulte, et elle est exportée subadulte ou adulte. Les différentes espèces de Piranha sont un bon exemple de ce cas précis mais fréquent. Les communautés de pêcheurs évitent de capturer les espèces de Piranha à petite taille, car il est difficile pour elles de bien les identifier, ce qui les rend invendables aux exportateurs. Un sujet subadulte ou adulte présente une belle coloration et peut être identifié avec assez de précision. 

Serrasalmus ternetzi

La difficulté pour l’exportateur est d’emballer correctement ce poisson. En effet, il est impossible de mettre plusieurs individus dans le même sac, en raison de leur agressivité, et les gros sujets sont consommateurs d’oxygène : ces poissons doivent donc être emballés individuellement. Pour des individus dépassant 10 centimètres, une caisse en polystyrène pourra contenir 12 poissons. Pour des sujets atteignant 15cm, une caisse pourra en contenir 6. Pour les sujets dépassant 20 cm, 2 poissons par caisse seront installés. Et pour les individus de 30cm, un seul poisson sera emballé par caisse.

Évolution du coût du transport aérien selon la taille et la quantité de poissons par colis

Sachant que les importateurs payent des coûts de fret aérien élevé, une caisse contenant un seul poisson revient très cher en comparaison d’une caisse d’un même poids contenant 1000 néons ! Le prix de revient du fret aérien pour les grands poissons multiplie souvent par 5 le prix de départ.

Les Discus et Scalaires sauvages sont souvent exportés adultes pour les mêmes raisons : le prix de l’emballage et du fret font grimper très vite le prix des deux espèces, comme celui de chaque genre de cichlidé de belle taille (Heros, Uaru, Geophagus, Crenicichla, Cichla) mais aussi celui des grands silures et autres prédateurs (Pseudoplatystoma, Hydrolycus, etc…).

Pterophyllum scalare
Pseudoplatystoma tigrinus
Satanoperca lilith (Géophage)
Hydrolycus armatus

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Le cas des Loricariidés reprend toutes les raisons évoquées ci-dessus : ces espèces sont abondantes mais très localisées. L’emballage des sujets subadultes ou adultes destinés aux passionnés et aux éleveurs est coûteux. Il aura fallu attendre de surcroît les années 2000 pour voir les premières espèces élevées en captivité.

Comme ces poissons sont peu prolifiques, les espèces issues d’élevage restent chères car les jeunes grandissent lentement et les installations pour les élever doivent être bien dimensionnées et parfaitement équipées. Ajoutons à cela le tarif élevé des géniteurs et une demande très forte : il est par conséquent facile de comprendre que le prix des espèces issues d’élevages se maintient à haut niveau.

Un autre phénomène est survenu qui complique la baisse de prix sur les poissons d’élevage : c’est l’interdiction d’exportation de nombreuses espèces sauvages. La demande étant forte, les prix des sujets d’élevage ont même aujourd’hui largement dépassé les prix des sujets autrefois issus de capture.

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L’espèce n’est pas rare mais a fait l’objet d’une sélection intense : certaines espèces de crevettes mais aussi les Discus constituent de bons exemples : quand le docteur Schmidt-Focke reproduit des Discus en Allemagne dans les années 70, il parvient à stabiliser une souche parfaitement rayée de rouge et de turquoise, à l’image des discus sauvages magnifiques que les passionnés affublent du qualificatif « royal ».

Tous les grands élevages de Discus proposent aujourd’hui en quantités importantes des Discus Turquoises rayés de ce type et le prix de ces souches classiques baissent régulièrement depuis 20 ans.

En revanche, quand ces éleveurs stabilisent une nouvelle souche très délicate à obtenir, comme les Diamants Bleus unis, ils les proposent à un prix élevé : en effet, les couples de Discus Diamants ne donnent que très peu de sujets parfaitement unis. La nouveauté, le tri sévère des jeunes et une sélection intense font monter les prix.

Plus le grade et la qualité sont élevés, plus les prix montent, sachant que la demande en crevettes est très élevée dans le monde entier.

Caridina logemanni

Le prix des crevettes comme les Crystal Rouge, qui fut la première crevette très colorée à connaître un grand succès en 1999, reprend le même schéma que pour les Discus.

En vingt ans, les sélections opérées par les éleveurs ont produit des souches très travaillées pour obtenir des couleurs contrastées et des motifs précis : les éleveurs ont attribué des grades de sélection pour les espèces les plus emblématiques. 

En conclusion, le prix des poissons et des invertébrés dépend certes de l’offre et de la demande pour chaque espèce, mais aussi des variations du coût du fret aérien pour la majeure partie des espèces, sauvages ou d’élevage, qui sont importées de zones hors Europe pour 95% d’entre elles.

La crise sanitaire du Covid 19 (en cours au 03/09/2020) a entravé le transport aérien, diminué le nombre de lignes commerciales sur lesquelles voyagent nos petits protégés : les coûts du fret se sont envolés, entraînant un surcoût de certaines espèces d’environ 20%, comme les Combattants du Siam. Les variations des cours du pétrole influencent aussi indirectement la valeur des emballages des poissons et des invertébrés, puisque cette matière première est à la base du tarif des boîtes en polystyrène et des sacs plastiques de transport. Mais il faut également considérer les coûts d’acclimatation et de stockage chez les grossistes acclimateurs : plus un grossiste acclimate d’espèces différentes, plus ses coûts de fonctionnement en main d’œuvre et en maintenance sont élevés : ceci explique, pour une même espèce, les différences de prix entre les fournisseurs.

Même pour des espèces classiques, l’aquariophile doit sélectionner son fournisseur en fonction de la qualité attendue : la qualité et la diversité ont un prix.

Frédéric Potier
Frédéric Potier

Frédéric est le PDG d'Aquaterra-Diffusion et aquariophile passionné de longue date.

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Frédéric

Aquariophile passionné de longue date (pardon pour le rappel de ton grand âge ;-) ) c'est tout naturellement que Frédéric consacre sa passion au service des professionnels et des aquariophiles à travers un grand savoir-faire et une parfaite connaissance de nombreuses espèces à la fois pour leur biologie mais également pour leur histoire, les premiers imports, les premières reproductions, etc.

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